La Campagne de France du Brigadier-chef Mainier

Cet article a été rédigé par Dominique Mainier

     
 

La Campagne de France du Brigadier-chef Mainier

Né le 27 Septembre 1915 dans le Doubs (25) dans une famille d’industriels en horlogerie, Régis Mainier est titulaire du Brevet de Préparation Elémentaire au Service Militaire en 1935. Il contracte le 23 octobre 1935 un engagement spécial dit de devancement d’appel  (deux ans, article 63 de la loi du 31 mars 1931). Il est incorporé au 9° Dragons à Epernay, où il arrive le 24 octobre : « Engagement volontaire au service armé de la classe de mobilisation 1934/2  » figure sur son livret militaire.  Au cours des ses 2 années passées à Epernay, il obtient les certificats de capacité « Motos à deux roues le 5 décembre 1936 et Motos avec side car le 1 août 1937 », il est nommé brigadier le 16 octobre 1936 ; renvoyé dans ses foyers le 1 octobre 1937, il sera rappelé en août 1939.

Septembre 1939 : LA DROLE DE GUERRE

L’arrivée au Centre Mobilisateur de Cavalerie numéro 7 de Vesoul (70) a lieu le lendemain dimanche 27 août. Le CM 7 met sur pied, à partir d’un noyau actif du 11° Chasseurs  à cheval deux Groupes de reconnaissance de  Division d’Infanterie,  les 17°et 35°.  Aussitôt arrivés, les rappelés sont affectés à l’escadron de passage, habillés et équipés. Les side car sont des Terrot 500 RDA et l’armement est constitué de MAS 36 et de FM 24-29.
Notre cavalier sera donc affecté à l’escadron moto du 17°Groupe de reconnaissance de la 13° Division d’Infanterie du Général DESMAZES ; Le GRDI est  sous le commandement du Chef d’Escadrons GUILLAUMIE.

Dès le 7 septembre, le GRDI est envoyé en Alsace dans le secteur du Sundgau et cantonne dans le village d’Hindlingen au sud d’Altkirch. « Des engagements ont lieu dans la Sarre, les Français avancent !  » peut-on lire dans son carnet à cette date.

Mais en Alsace, rien ne se passe ! La 13° DI est dans le dispositif de la 8° Armée et se tient prête à pénétrer en Suisse (Hypothèse H). A part quelques mouvements de réorganisation des dispositifs, quelques alertes, les unités réalisent des travaux d’aménagements entre deux séances d’instruction sur le terrain, on en profite pour améliorer l’ordinaire par des parties de chasse ou de pêche dans les bois giboyeux et les étangs riches en carpes !

A partir du 11 octobre, le 17°GRDI stationne à Leymen, au sud -ouest de Bâle sur la frontière. L’attente continue.

 Le 22 février on peut lire «  cela fait plus de 4 mois que nous attendons. Le temps commence à paraître long. On s’énerve dans l’attente de ce qui va se passer. On nous prédit une attaque allemande pour le printemps. Nous attendons ! »

Mardi  14 Mai «  Samedi, les boches sont entrés en Belgique, au Luxembourg et en Hollande ; les choses se corsent !  » Les dispositions préparatoires à la manouvre H sont prêtes. « Au milieu d’une séance de cinéma, on nous invite tous à rejoindre nos cantonnements et à se préparer à partir ; nous travaillons jusqu’à minuit 30 et nous nous couchons. Nous sommes réveillés en fanfare à 2H30  et partons direction Bâle. La grande épreuve commence. Le moral est bon ; nous y allons crânement !  Arrivés à Weisskirch, nous attendons les évènements, nous attendons le moment où on nous dira : En avant !  »

En fait, compte tenu de l’évolution de la situation dans le nord du Pays, le regroupement de la Division  s’effectue à l’est d’Altkirch en vue d’un embarquement par voie ferrée direction  la Somme. Celui-ci  s’effectue à Montbéliard, Héricourt, Audincourt et Delle pour les unités non motorisées, les autres font mouvement par voie routière. Nous retrouvons alors notre 17°GRDI à Vesoul le 23 sous une pluie battante ;  « une petite fille de 5 ans nous a donné des fleurs rouges que j’ai mises sur mon side car »
   
Le 24 vers 7 heures du soir, départ en direction de Langres, Chaumont, Troyes ; le GRDI arrive vers 4H du matin au sud du Lac d’Orient à Mareuil sur Barses où il cantonne jusqu’au 25 au soir pour repartir direction Versailles. La 13°DI se regroupe dans la zone Chevreuse -Rambouillet-Montfort l’Amaury.  Le 26 le mouvement reprend par voie routière des gros  sur Marseille en Beauvaisis (infanterie, GRD, artillerie à 2 batteries), les trains régimentaires sur Aumale, le reste de la DI par voie ferrée.

« A Vieux Rouen, nous avons soigneusement garni nos coffres de Champagne, de vin, etc  avant de repartir pour Villers-Crampsart où nous avons fait la connaissance des anglais et de leurs chars ; au cours d’une faction de garde j’ai bu une bouteille avec un anglais qui malheureusement ne parlait pas un mot de français puis nous avons bu force  Calvados au café du coin où la petite Sylviane était bien affectueuse ! »

Le 27 au matin,  « nous partons en patrouille vers Epaumesnil ; à 5 heures du matin, nous regardons passer des chars français et la colonne de camions qui les suivaient. A ce moment-là un avion apparait, c’est un allemand ! Je prends le FM et lui flanque mes 25 balles. Quelques hommes l’on vu descendre mais ce n’est pas confirmé. Pendant que je tirais, l’avion nous a mitraillés et un soldat de la colonne a été touché aux reins par une balle. Le maréchal des logis May, mon sous-officier faisait feu de son révolver avec moi !  »

FRONT DE LA SOMME

27 mai /Engagement immédiat des éléments débarqués sur la gauche du X° CA en direction du nord en 2 détachements agissant
1° sur Fresnoy au Val, Renaucourt avec mission d’en tenir les passages de Péquigny à Dreuil.
2° sur la Somme de Péquigny à 1 km ouest de Dreuil, lisières est forêt d’Ailly.
28 mai / Organisation de la rive gauche de la Somme et reprise de l’attaque en direction de Pont de Metz. Echec et recul sur la ligne Péquigny-Ailly
29 mai / Organisation défensive de la position en quadrillage de C.R. sur un front de 16 km entre Péquigny et Prouzel. Violents bombardements par aviation et artillerie adverse.

Le 28, nous partons de Villers à 9 heures du soir pour Seux ; les « boches  » ne sont pas loin et il faut ouvrir l’œil !

Le 29, nous sommes à Revelles.

Le 1 juin, je suis nommé brigadier-chef pour ma conduite au feu du 27 ; je suis félicité par le capitaine Sauvegrain et nous partons garder un avion français qui s’est écrasé ; je récupère le révolver du pilote marqué «  capitaine G…, 1°prix de tir  ». Nous devons partir ensuite dans la nuit dans un village encore plus en avant ; nous sommes à 7 ou 8 km des allemands. Nous assistons à plusieurs combats d’avions : 4 français sont touchés et 4 allemands ont suivi. Nous tirons au FM chaque fois que nous le pouvons et ce serait un divin plaisir pour moi d’en descendre un ;  j’espère bien y réussir un jour !  »

BATAILLE DE LA SOMME

5 juin / Vers 4 h, après un bombardement violent d’artillerie, irruption de l’infanterie allemande dans le sous secteur ouest de la DI tandis que les Panzer divisionen attaquent dans les secteurs voisins de la 16°DI à l’est et à l’ouest la 5°DIC surprise en pleine relève.

En fin de journée, fortes infiltrations ennemies atteignant Fourdrignoy repris par une contre attaque et laissant derrière elles les ilots encerclés de Péquigny.

6 juin : date mémorable.


«  Nous sommes partis de Bussy les Poix le soir à 7 h00 et nous sommes arrivés aux premières lignes 2h00 après. Nous sommes à 10Kms au sud –ouest d’Amiens. Nous avons été accueillis par des rafales  de PM après avoir cherché dans la nuit un emplacement ; nous sommes placés à 100 mètres à gauche de la route dans les trous que nous avons creusés à la hâte et avons subi un bombardement formidable. Tout s’en mêlait : avions, obus, mortiers et FM. Plus d ‘une fois, les balles boches ont fait sauter la terre de mon trou à quelques centimètres de ma figure. Les premières paraissent désagréables mais à la longue …on s’y habitue. Il est 10h00 du matin et nous n’avons pas mangé depuis la veille.

Nous entendons de temps à autre les miaulements des 75 français qui nous font involontairement baisser la tête. Pour un baptême du feu, nous sommes servis. L’espoir de survivre est toujours dans nos cœurs !

Le 11 Enfin ! Un instant pour compléter mon carnet.

La bataille qui s’était engagée à Saissemont  s’est poursuivie  toute la journée. A 10h00, les mitrailleuses boches crépitent derrière nous. Nous sommes presque encerclés. Vers midi, un soulagement lorsque nous entendons  au nord de Saissemont les chars refouler les Fritz ; nous sommes dégagés pour le moment. L’ordre de repli ne vient toujours pas  et pourtant les boches avancent de façon miraculeuse : 4 par 4, ils arrivent sur nos FM ; c’a tombe mais il en arrive toujours 3 fois plus en remplacement !

Enfin vers 16h30, nous décrochons plein Sud sur Seux . Les balles sifflent à nos oreilles. Saissemont est en flammes et récupéré par les boches. Nous nous échappons par un bois au sud en abandonnant nos machines non sans avoir copieusement mitraillé les allemands qui les avaient récupérées et que nous avions surpris en train de vider nos paniers !

21 de nos camarades, au lieu de se replier suivant l’ordre essaient de récupérer leur side au patelin. On ne les reverra plus ; ils sont portés disparus. Plusieurs sont tombés.

Parmi les disparus on dénombre : MdL May, Dufrène, Desloges.
Stocky, Gérard, Billot, Rigoulot, Mathieu, Dubois, Probst, Grandclément, Besançon, Steier, Maillot, SCheidecker, Potelle, Péquegnot, Grandjean, Bessenceau,Gosse et Soyer.

Nous sommes à Revelles. Sur 25 hommes que comptait mon peloton, 4 seulement ont rejoint le 17°eme : Loquais, Cholle, Finck et moi ! L’après-midi, je vais  avec le capitaine rechercher un copain, Sylvi, qui avait été tué 2 jours plus tôt ; Je lui avais promis de ne pas le laisser !

Ensuite, nous nous sommes repliés depuis Revelles sur  Marseille en Beauvaisis, Viarmes. Nous avons reformé 2 nouveaux pelotons et  nous attendons. Le moral n’est pas très bon car les avions qui ronflent constamment au-dessus de nos têtes, sans avions français pour les contenir. Quelle hantise que ces bombes qui arrivent en sifflant et qui ravagent tout. Si nous sommes encore ici, c’est le fruit du hasard et d’une chance inouïe. J’espère que cette veine ne nous quittera pas  car nous en avons encore besoin. Les Italiens sont entrés en guerre ce matin. Que nous réserve cette histoire ?

Les ponts de l’Oise à l’Isle Adam ont sauté hier soir et nous reprenons notre route par Enghien, Longjumeau, Puiseaux, passé la Loire à Châteauneuf, La Roche Posay en ruines, la forêt de la Braconne puis la Dordogne près de Bergerac où les restes du 17°GRDI se trouvent le 25 juin, jour de l’Armistice. 800 kilomètres de retraite ! Que de chemin parcouru avec nos matériels ! (le peloton termine la guerre sur des motos Indian récupérées dans la Somme).

Que sont devenus mes parents ? Ont-ils été évacués ?

Le Brigadier chef Mainier regagnera ses foyers en août après avoir été démobilisé en juillet. Il obtiendra 2 citations ; l’une à l’ordre de la Division et l’autre à l’ordre du Régiment et la croix de guerre lui sera remise par le Général Beaudoin.

 
     
     
Dernière mise à jour du site en mars 2020 par Israël LORENTE