Villers-Chief - Le combat du 3ème Bataillon du 220ème RI
Cet article a été rédigé par Cédric GAULARD

     
 

Le 27 mai 1940, le 3ème Bataillon du 220ème RI est à Blotzheims (68) à 7 kilomètres de Bâle. Il a reçu l’ordre de faire mouvement vers Besançon. Le 16 juin son cantonnement est à Longeville : Il a rejoint Orsans vers 22 heures, cette étape n’ayant pu être accomplie que par réquisition de camions. Au cours de ce va et vient, la 4°section de la 10° compagnie est faite prisonnière par les allemands à Clerval.

Le 18 juin, à 7 heures 45 le bataillon quitte Orsans sans destination précise, dans la direction de la Suisse probablement. En fait le 3ème bataillon du 220ème RI est passé par Bremondans.

En cour de progression il est rejoint par un motocycliste, le MDL-Chef Puy-Montbrun, qui séparé de son unité, s’est placé spontanément à la disposition du PC du régiment pour apporter des renseignements sur les diverses colonnes. Ce jeune Sous-Officier s’est retrouvé isolé dès le 14 juin à l’est de Ligny-en-Barrois, en cours de liaison alors qu’il est affecté, après la campagne de Belgique, à Compiègne dans un groupement de transport, il a dans la matinée du lendemain participé à une action d’infanterie dans un village placé sur un cours d’eau et dont le pont a été détruit. Retrouvé mêlé à des éléments polonais, le groupe se retrouve embarqué, dans la soirée, à bord de camions qui sont tombés les uns après les autres en panne de carburant. Sans ordre, ni regroupement, des hommes se sont dirigés par petit groupe vers le sud. Celui dont fait partie Puy-Montbrun croise sur sa route une voie de chemin de fer, occupée par plusieurs trains de blessés (et de non-blessés) qui se dirigent vers l’ouest. Il saute a bord du train, et assez épuisé par la longue marche qu’il vient d’effectuer, il s’endort aussitôt. Après quelques heures, il se réveille et s’aperçoit qu’il est allongé parmi les morts du wagon. Préférant tenter de retrouver des troupes combattantes, il quitte le convoi, se dirigeant vers l’est. Il rencontre des unités d’infanterie en ordre, tôt dans la matinée suivante, et se met à la disposition d’un Lieutenant-colonel. Après s’être restauré, ce qu’il n’a pas fait depuis longtemps, on lui donne pour mission, de tenter des liaisons avec d’autres unités et divers PC. Puy-Montbrun, vient de prendre contact avec la 67ème DI qui se trouve sur le Doubs. Le sous-officier commence ses recherches de liaison avec une motocyclette civile. Au cours de ces liaisons sur ordre, il doit seulement faire inscrire sur une feuille de cahier d ‘écolier, qui lui a été donnée avec un très vague plan, le nom des responsables qu’il rencontre, hormis toute précision d’unité, au cas où il soit capturé par l’ennemi. Ces missions ne semblent pourtant pas d’une importance capitale à ses yeux, mais le seul fait d’apporter justement une liaison semble réconforter les intéressés. En début d’après-midi, le commandant de groupement est à Baume les Dames. Les unités sont passées au sud et il a pour mission de poursuivre ses activités dans le triangle Passavant-Vercel-Ornans. A deux reprises, il croise des allemands, sans être inquiété. De la façon dont il se tient sur sa moto, ils le prirent sans doute pour l’un des leurs.
Un peu plus tard, sur un de ses trajets, il rencontre une unité de chasseurs pyrénéens, stoppe au niveau du chef de bataillon de cette unité pour échanger des informations. C’est alors qu’un véhicule civil de petite cylindrée, berline à quatre places, fait son apparition au beau milieu de la troupe au repos. Ce véhicule vient de Villers-Chief. Il roule à vive allure entre les deux files de chasseurs. Au moment de son passage devant eux, le commandant a un geste pour relever sa cape et la jeter sur son épaule, peut-être pour dégager sa poche… En tout cas, ce mouvement peut passer pour un signe de bras. Le véhicule civile (auquel en définitive nul n’a prêté attention : les chasseurs couchés sur le bord du fossé ou s’occupant de leurs sacs, les officiers discutant avec leurs chefs), stoppe brutalement, à l’étonnement de tous d’ailleurs. En sort précipitamment un Lieutenant-colonel en veste et pantalon long, képi noir, non en tenue de campagne. Il porte un ceinturon mais n’a pas d’étui de pistolet. De l’arrière du véhicule descend un prêtre en soutane et béret basque. Deux autres passagers en tenue de drap kaki sont restés dans la voiture, l’un regardant à droite, l’autre en face de lui. L’officier et l’ecclésiastique se lancent dans une explication à l’adresse du chef de bataillon qui écoute peu, les salue et les laisse partir. Si l’on étudie aujourd’hui les mouvements de la 67ème DI, il est difficile de localiser ce véhicule civil occupé par trois officiers et un abbé en soutane. Nous savons que les aumôniers étaient à cette époque, en tenue de campagne. Etait-ce un groupe en fuite ? La précipitation du Lt Colonel était suspecte.

Le Mdl-chef du Puy-Montbrun, aujourd’hui Colonel à la retraite, témoigne de ce fait, en expliquant que pendant la campagne de Belgique près de Charleroi, ils durent abattre deux hommes déguisés en sœurs de St Vincent de Paul (Robe bleu sombre et cornette). Il pense qu’il pouvait s’agir d’agents ennemis. Soit des agents dormants qui rejoignaient des unités allemandes, soit des agents infiltrés. Et l’on peut se demander pourquoi ce groupe d’officiers se trouvait dans ce véhicule, pourquoi il ne s’était pas arrêté tout de suite en voyant les chasseurs et au contraire, passait vite, pourquoi il a stoppé sur une injonction supposée du chef de bataillon, et pourquoi était-ce le Lieutenant-colonel qui conduisait… Le commandant aurait-il dû laisser repartir ce véhicule sans avoir pris de renseignements à l’égard de ces hommes ? En ce qui concerne le sort du 3ème bataillon du 220ème RI, son mouvement était connu de l’adversaire. Les allemands étaient mieux informés sur les déplacements de leurs adversaires, que les français sur ceux de l’ennemi.

Puy Montbrun poursuit sa mission et passe la nuit à Passavant. Le lendemain il reçoit l’ordre de se porter sur Pierrefontaine les Varans et Vercel, où il doit trouver le PC d’un groupement et d’indiquer, ainsi qu’aux troupes qu’il rencontre, que leur groupement fait route vers l’est en « sûreté ».Durant la nuit des tirs d’artillerie se font entendre vers l’ouest. Il traverse le village d’Orsans, vide de troupe et décide de pousser une pointe vers l’ouest d’où il lui a semblé avoir perçu des tirs d’artillerie. Il rencontre une route extrêmement encaissée entre des parois rocheuses et boisées et un torrent, peu propre à être empruntée par des troupes non protégées sur leur flanc. Il fait demi-tour puis reprend son chemin tout en effectuant des arrêts moteurs pour écouter. Le silence ! Ayant rejoint Bremondans, il prend la route sud jusqu’ à un hameau sans rencontrer civil ou militaire. Il revient donc au village pour suivre l’itinéraire conduisant à Pierrefontaine les Varans. Aussitôt sorti du village, il aperçoit des uniformes à gauche et à droite de la route. Il s’agit de soldats français (3ème bataillon du 220 RI). Il voit sur sa droite un groupe d’officiers et s’arrête près d’eux. Il se présente au Lt Prospert, et lui explique sa mission. La capitaine Gobert lui indique qu’il ne sait pas si Pierrefontaine les Varans est occupé, il lui demande de revenir l’informer et de rendre compte aux autorités supérieures, ainsi qu’aux unités faisant route vers Maîche. Il repart aussitôt sur sa motocyclette. A peine est-il parti que deux motards allemands arrivent de la direction qu’il avait prise. Ces deux motards sont passés si vite que les hommes du 3ème bataillon ne peuvent réagir… Etant donnée la vitesse à laquelle ils sont passé.

Le dispositif est le suivant : la 9ème compagnie est en tête et le commandant du bataillon lui a donné l’ordre de détacher, à une centaine de mètres en avant du bataillon, une camionnette sur laquelle a pris place un groupe de combat. Des hommes se tiennent sur les ailes.

C’est à environ 300 mètres de l’entrée de Villers-Chief, sur la route provenant de Bremondans que les éclaireurs 9ème Compagnie tombent dans une embuscade tendue par l’ennemi en provenance de Eysson et qui l’attende sur cet itinéraire.

A 9 heures la 9ème compagnie est mise hors de combat, la résistance du reste du bataillon s’organise sur le terreplein partie arrière. Les allemands attaquent la compagnie avec des armes automatiques et après survol par avions font tirer des obusiers qui se trouvent à Eysson. Ensuite plusieurs vagues de voltigeurs, sortis de leurs abris viennent au contact du reste de la 9ème Compagnie. C’est lors de ce combat au corps à corps que le Capitaine Gobert est tué les armes à la main. Cette attaque surprise seme la confusion la plus total dans les rangs français. Le Lieutenant Prospert à l’abri derrière des troncs d’arbres essaye de comprendre la situation. Ayant observé le retrait des groupes face à lui et menacé d’encerclement par quelques allemands sortis de leurs positions, il décide de rejoindre le petit groupe de l’Aspirant Berline réfugié dans un bâtiment genre métairie.

Vers 16 heures après un ultime assaut de l’ennemi, les vaillants survivants de la 9ème Compagnie, a court de munitions et isolés du reste du bataillon, n’ont d’autre choix que de déposer les armes.
Pendant ce temps, la 11ème compagnie au complet et les trois sections de la 10ème compagnie s’organisent pour résister. Ce qu’elles font avec succès, jusqu'à la tombée de la nuit. Le Capitaine Dangoumeau, à court de munitions lui aussi, décide de négocier la réédition de son groupe, après avoir autorisé, ceux qui le désirent à « prendre le large ».

Pendant tout le combat, des hauts parleurs allemands n’ont cessé d’annoncer la demande d’armistice aux soldats français.

Le lendemain, les habitants de Villers-Chief découvrent la violence des combats. Effectivement après l’arrivée des premiers allemands, les villageois trouvent refuge dans la forêt. Seuls deux hommes (anciens combattant de 14-18) restèrent dans leurs maisons ainsi que l’abbé Paris, immobilisé dans son lit.

Nombreux sont les habitants de Villers-Chief qui apportent leur aide aux blessés et s’occupent des corps. Le maire Henri Nicod panse trois blessés avec l’aide de sa fille Andréa. Mlle Gullaud de Bremondans participe au transport des corps avec une plate-forme. Mr Girardet du Moulin de Creuse transporte deux soldats français blessés, à Baume les Dames. Le Mdl-chef Puy Montbrun est recueilli et soigné durant plusieurs jours par la famille Parrot au lieudit « Le Fallot » commune de Germéfontaine.

Le combat de Villers Chief fut le plus meurtrier de la campagne de 1940 en Franche Comté. Les pertes du bataillon s’élevèrent à 55 morts. 42 soldats sont morts durant le combat, 13 succombèrent des suites de leurs blessures.

Sur les 42 morts, on dénombre 3 officiers :

Capitaine Gobert commandant le 3ème Bataillon du 220ème RI
Capitaine Lestage commandant la 9ème Compagnie
Lieutenant Treilhes de la 9ème Compagnie.

Documents fournis par Christine Liniger fille de Robert Vuillemin de Vellerot-les-Vercel : Liste des Français tués à Villers-Chief - Emplacement des tombes.

 
Soldats du 220 RI dont M. Louis Clerc mort à Villers Chief.
Louis Clerc pose avec ses camarades du 220 RI, il est le 3ème en partant de la gauche et tient une gourde à la main.
Cette photo m'a été envoyée par le fils de Louis Clerc.


 
     
Dernière mise à jour du site en mars 2020 par Israël LORENTE